mercredi 25 juillet 2007

En bleu

Dans un silence studieux, perturbé par l'insistante intermittence du pianotement des claviers. Je m'apprête à plonger comme chaque jour, dans la fosse aux lions à coté des nombreux autres gladiateurs prêt a se battre pour leur survie et pour les meilleurs d'entre nous, chercher gloire et fortune. Dans les longues rangées de la salle, les opérateurs avachis dans leurs sièges regardent leurs nombreux écrans, comme autant de fenêtres sur un monde, plus facile, plus blond, plus matériel, plus vide. La salle de marche l'antichambre du paradis de la bête érudit. L'enfer de l'altermondialiste qui secretement fantasme devant toute cette débauche d'argent et ce cynisme organisé. L'enfer du bobo raté.

9H, heure symbolique de l'ouverture du chaos financier, les cotations commencent. Le calme s'installe dans une ambiance nerveuse. un pied remue
frénétiquement. L'attentisme ou la perversion de la patience. Dans la nuit, les US ont fortement chuté, le matin, les chinetoques, pareil, au casse pipe. Il est plus que probable de voir le marché francais faire de meme. De tout maniere, j'en ai rien à taper, les poses sont couvertes. Ma motivation est à nu. Ces dernieres semaines, la démotivation s'est faite grandissante, les antagonismes plus fréquents. Je ne sais toujours pas comment j'arrive à garder mon calme mais à l'interieur, ca boue.

Pour ne pas sombrer plus bas dans la démotivation, je discute de tout et de rien avec quelques brokers. Perpétuellement interrompu par quelques prix sans grands intérêts. Alors je décide de faire semblant, le meilleur moyen de ne pas se faire repérer par son boss et de zapper toutes ces hyènes sans scrupules. De toute façon, le travail ne paye pas. La preuve, les parasites du système, ceux qui ne créaient absolument rien et qui ont cette facheuse tendance à mépriser le reste de la population, sont les mieux payer. L'honnêteté paye encore moins.

J'apprends
pendant la matinée que chez un de mes confreres, une superbe suédoise a été embauchée. Blonde, yeux bleus, 1m76. Taille mannequin. je ne peux m'empêcher d'être jaloux. Ici, la disgrâce est la religion locale. J'apprends à un broker quelques ridicules expressions en suédois pour qu'il les lui répète, histoire de rigoler un peu. Jag vill knüllar dig. Vill du ser min snaap? Le romantisme à la française.
Elle rigole. Une fille avec de l'humour, tellement rare. Il faut que je me trouve un boulot
là-bas. Pas de doute, on aurait beaucoup de choses à se raconter.

Dans le bruit incessant des
téléphones qui sonnent, je cherche un peu de repos et je passe donc mon temps a dire à tous ces chiens affamés de broker, que je suis occupé et que je les rappellerai. J'ai de bien meilleurs choses à faire, je joue aux échecs.

Comme
prévu, le marché se casse la gueule. Étant long vol et gamma, je ne peux que me feliciter, à la vue de ce marché négatif et je me laisse tomber allegrement dans l'auto-satisfaction la plus totale. Imaginant la suédoise, je me laisse planer, tout l'après midi, dans un fantasme suedo-financier que j'aimerai voir perdurer à jamais. A quelques centaines de kilomètres, je regarde Rasmussen s'envoler à son tour. La scandinavie est à la fête. Une partie de moi veux vivre dans le cliché, le superficiel le plus factice. Bien que cela soit avec la plus grande des culpabilités, le plaisir est trop fort pour être résisté. Je ne suis qu'une bête.

Comme toute bonne chose a une fin, aussi virtuelle soit elle, mon boss en fin d'apres-midi s'octroie ce droit de venir briser mon
rêve en plein vol. De sombres histoires de vieux trades. Le retour sur terre. Un singe, mon boss. Il passe son temps à chercher des poux dans la tete de tout le monde et surtout dans la mienne, alors que mes cheveux ont entamé leurs irremediable chute.

J'ai besoin de vacances et si possible d'un nouveau
taf.

2 commentaires:

MrMeuble a dit…

:) te fais pas pincer pendant que tu joues !
Cette suédoise mérite un pseudo ...
@+ l'ami

L & L a dit…

Je n'avais pas lu celui-là et le suivant maintenant c'est fait, tout s'éclaire ;)