vendredi 18 mai 2012

La Panne

Les années se sont suivies avec leur lot de filles et le constat en était devenu implacable. Il suffisait d'ailleurs qu'a en parler autour de soi pour s'en convaincre définitivement. Je me moquais bien de tous ces malheureux a courir tels des poulets sans tête après, ce qui n’était rien d'autre qu'une chimère.

Où avait bien pu passer tous ces papillons qui n'apparaissaient qu'une fois dans la vie d'un homme, aux alentours de ses 20 ans, pour ne plus jamais réapparaitre par la suite? Surement mourraient-ils brièvement après, la faute au froid mécanique de la répétition quotidienne. La monotonie de la rencontre, la mécanique de la baise, l'ennui s'installant comme la fatalité d'un compromis, que les années passantes ont imposées.

Trente ans, l'âge où l'on y croit plus. On se rencontre, on baise quelque fois puis on disparait. Puis à force de répétition, le désir se délave progressivement, jusqu’à ce qu'il n'en reste qu'une version blanchâtre où l'on ne distingue plus grande chose. On s’ennuie. Toutes ces versions délavées de chacun marchant dans la rue, aux aspirations déclinantes. Le coeur n'y ait plus, l'illusion évaporée.

Pourtant, hier soir, la foudre a frappé, j’étais dans la Doloréane. 88 MPH. Elle ressemblait à la Suédoise de mes vingts ans mais elle était Bosniaquo-Néerlandaise. Trente ans, les cheveux bruns frisés, un mélange d'Audrey Tautou et de Sigourney Weaver. Puis, cet échange de regard au quatrième verre de vin, où BAAAM!, L'étincelle, la putain d’étincelle, qui pour la première fois en dix ans, vous foudroie. La Doloréane venait d'arriver, j'en avais subitement plus que 22, j’étais de retour à Paris, une de ces mémorables nuits d’été, sur les quais de la seine avec la Suédoise, où la fragilité de l'instant si éphémère vous enivrait du parfum si exquis de la vie. Les battements étaient les mêmes. Retour vers le passé. Ce sentiment insaisissable qui vous prend aux tripes, l'envie de ne plus jouer face à la rareté, le naufrage est si proche. Pourtant il faut maintenir les apparences, la vulnérabilité étant devenue Persona non grata.

Puis les regards s’accompagnèrent rapidement d'effleurements qui laissèrent place aux baisers s'offrant tels des invitations aux portes de son lit. Après trois années de relation minable à compromettre, j’étais tel un caniche devant l'infini et j'ai failli. Misérablement failli. Était-ce l'alcool, les papillons, la fatigue ou la combinaison de tous ces éléments? Puis je fus mis a la porte a 2h30 du matin avec un peu de pommade pour atténuer la douleur. "I really had a great time, let's meet tomorrow".

Oui, tel un caniche.